Plus d un Quebecois sur quatre sans medecin de famille
Roger Payette, 77 ans, est l un des nombreux Quebecois ayant perdu leur medecin de famille au cours des dernieres annees. Son omnipraticien, qui le suivait depuis 30 ans, a pris sa retraite en decembre 2020. Il a ete pris en charge par un groupe de medecins de famille dans sa region, Lanaudiere, en mai 2023.
Depuis, le citoyen de Notre Dame des Prairies, pres de Joliette, doit contacter le Guichet d acces a la première ligne (GAP) pour obtenir un rendez vous medical. C est ce qu il a fait au printemps dernier, apres que sa pharmacie lui a signale qu il devait voir un medecin pour le renouvellement de ses ordonnances.
 J ai appele au GAP et on m a dit : On va essayer de vous trouver un rendez vous dans les deux prochaines semaines, raconte M. Payette. Il n en a jamais obtenu.
La pharmacie l a finalement depanne. Il va falloir que je retelephone au GAP, dit Roger Payette. Je ne trouve pas que le systeme fonctionne si bien que ça. S il se sent delaisse par la premiere ligne, il se dit satisfait du suivi assure par son cardiologue depuis son infarctus en fevrier 2022.
Pas pour tout le monde, l inscription collective
Au ministere de la Sante et des Services sociaux, on indique que le taux d inscription global des Quebecois s elevait a 83,1 pourcent en date du 15 juillet, en tenant compte des inscriptions aupres de groupes de medecins. La proportion de personnes inscrites, quand on combine individuel et collectif, est en forte augmentation depuis les dernieres annees , ecrit on.
La cheffe du departement regional de medecine generale de Montreal, la Dre Ariane Murray, estime que le GAP a amene une plus value au reseau en s assurant de la pertinence des visites medicales des infirmieres font le triage. Mais la formule a ses limites, constate t elle.
C est sur que pour les patients plus malades, qui ont besoin de suivis longitudinaux pour des maladies chroniques complexes ou des enjeux de sante mentale chroniques, l inscription collective n est pas le bon vehicule. Pour ces patients la, on a encore besoin de l inscription individuelle.
La Dre Ariane Murray, cheffe du departement regional de medecine generale de Montreal
A Montreal, plusieurs milliers de patients vulnerables (juges de priorites A et B) sont actuellement pris en charge par des groupes de medecins de famille, indique la Dre Murray. C est mille fois mieux que rien, mais c est sur que ce n est pas l ideal pour eux, reconnait elle.
Elle explique que les rendez vous de suivi ne sont souvent pas necessairement  avec le meme medecin. Les consultations peuvent aussi etre de courte duree dans certaines cliniques, ajoute t elle.
Quand on a des rendez vous qui sont encore aux 10 ou 15 minutes, c est un peu difficile d etre capable d imaginer qu on gere plus d un probleme, ou deux problemes tres simples, dans cette periode la, observe la Dre Murray.
 UtopiqueÂ
Le Dr Pascal Renaud, president de l Association des medecins omnipraticiens de Quebec, croit aussi que l inscription collective ne convient pas a tous.
On ne peut pas traiter un patient avec une depression, qui voit une journee la Dre Lavoie, la semaine suivante le Dr Bourassa, et que ca change tout le temps. On a besoin d avoir des episodes de soins qui sont faits par le meme medecin.
Selon le Dr Renaud, il demeure utopique de croire que tous les Quebecois puissent avoir leur propre medecin de famille considerant la penurie actuelle d omnipraticiens il en manque 1500 au Quebec, dont 150 dans la capitale nationale, precise t il.Â
Un nouveau modele doit etre trouve, estime t il. Une equipe, constituee d un medecin, d une infirmiere et d autres professionnels, pourrait prendre en charge les patients, comme le propose la Federation des medecins omnipraticiens du Quebec (FMOQ) dans le contexte du renouvellement de son entente cadre avec le gouvernement quebecois. Ca ne reposerait pas juste sur les medecins, dit le Dr Renaud.
Selon ce modele, presente dans le numero d aout 2024 du Medecin du Quebec, les patients vulnerables ayant besoin d un suivi regulier pourraient se voir attitres a un professionnel, comme une infirmiere ou une travailleuse sociale, ou a un medecin dans le cas, par exemple, de cancer.
Pour le moment, l inscription collective demeure la voie privilegiee par Quebec. La FMOQ vient de conclure une entente passerelle a ce sujet avec le gouvernement.
Comme bien des patients, Chantal Campagna espere malgre tout avoir son propre medecin de famille. La Montrealaise de 55 ans figure au guichet d acces a un medecin de famille depuis 2018. Cette annee la, elle s est inscrite sur la liste d attente des jardins communautaires de son quartier.
On m a appelee cette annee pour le jardin J ai eu un jardin plus rapidement qu un medecin ! Il faut vraiment le faire.
Chantal Campagna est suivie par un groupe de medecins de famille depuis environ deux ans. Elle se dit satisfaite du service qu elle a obtenu lors d une visite pour une tendinite calcifiante a l epaule. Elle a alors appris qu elle faisait de l hypertension. La personne que j ai vue etait vraiment super, dit elle. Elle ne l a malheureusement pas revue.
Elle affirme avoir ete traitee par des medecins differents chaque fois. On ne developpe pas de relation, deplore t elle. C est tres impersonnel.Â
Chantal Campagna a des antecedents familiaux de diabete et de problemes cardiaques. Elle n ose pas demander un suivi supplementaire au GAP afin de ne pas surcharger le systeme de sante. Mais a un moment donne, je vais etre vieille. Je vais avoir besoin de plus de soins.Â