Mardi 12 décembre 2023

Les maladies post infection, comme la COVID longue, plus frequentes qu on le pense

Le SRAS CoV 2 n est pas le seul pathogene qui peut entrainer des sequelles graves et chroniques.


Des le debut de la pandemie, des scientifiques ont prevenu que la COVID 19 pouvait entrainer des sequelles a long terme, et ce, meme apres une infection benigne. Apres tout, au moins une douzaine d autres pathogenes connus provoquent des syndromes post infection. Pourquoi n a t on pas vu venir ce probleme pour ainsi possiblement eviter que des millions de personnes developpent la COVID longue

Il n y a rien dans l histoire du monde qui indique que se faire infecter par un pathogene est une bonne chose. On devrait toujours essayer de prevenir toutes les infections, meme celles qui semblent benignes, dit d entree de jeu le Dr Donald Vinh, microbiologiste infectiologue au Centre universitaire de sante McGill (CUSM) et chercheur clinicien.

Oui, dans bien des cas, precise t il, une infection ne mene pas a des sequelles graves. Mais on sait depuis tres longtemps que ce n est pas la trajectoire normale pour plusieurs infections. Parfois, un pathogene cause des symptomes qui persistent. Dans d autres cas, de nouveaux symptomes apparaissent et ne ressemblent pas necessairement a ceux de la maladie originale.

Pour la Dre Akiko Iwasaki, professeure d immunobiologie a la faculte de medecine de l Universite Yale, la COVID longue a revele cette realite. La COVID longue a mis en lumiere les syndromes post infection. Beaucoup de gens souffrent de symptomes inexpliques apres la phase aigue de leur infection virale, bacterienne ou parasitaire.

Pas que la COVID longue


Ces trois experts soulignent qu il y a de plus en plus d etudes qui demontrent un lien entre une infection et un risque accru de developper des maladies auto immunes, des cancers ainsi que des maladies neurodegeneratives et cardiovasculaires.

 

En fait, la majorite des pathogenes les plus connus peuvent etre lies a un syndrome chronique, souligne la Dre Amy Proal, microbiologiste a la fondation PolyBio Research.

Si ces virus et ces bacteries ne sont pas necessairement la cause principale de ces maladies, les chercheurs croient qu ils peuvent declencher certaines maladies chez les personnes predisposees.

Ces trois experts soulignent plusieurs de ces liens :

Le virus d Epstein Barr (mononucleose) peut causer des lymphomes et des cancers ainsi que le syndrome de Guillain-Barre. De plus, le risque de contracter la sclerose en plaques est multiplie par 32 apres une infection.

Le zona, cause par la reactivation du virus de la varicelle zona, fait augmenter les risques d accident vasculaire cerebral.

La grippe peut entrainer une inflammation du cerveau et du cœur. Certaines formes pourraient accroitre le risque de developper la maladie de Parkinson.

La polio  peut entrainer des periodes de fatigue intense et de graves faiblesses musculaires des annees apres l infection initiale.

Des virus comme ceux de la rubeole, du chikungunya et de l hepatite C peuvent provoquer des douleurs arthritiques chroniques.

Le sarcome de Kaposi, un cancer agressif, survient chez les personnes infectees par le VIH.

Une infection du parasite Giardia lamblia est associee a un risque accru de syndrome du colon irritable (N et de fatigue chronique.

Des chercheurs soupconnent que certains virus possiblement les enterovirus humains pourraient etre un element declencheur du diabete de type 1.

La maladie de Lyme, causee principalement par la bacterie Borrelia, peut entrainer des douleurs musculaires ou arthritiques, de la fatigue incapacitante, des problemes de memoire ou de concentration ainsi que des atteintes au systeme nerveux.

Compte tenu de tous ces exemples, la Dre Iwasaki croit que les autorites sanitaires auraient du mieux anticiper le fait que les infections de SRAS CoV 2 pouvaient mener a des sequelles chroniques.

Nous avons constate des elements tres similaires avec l Ebola, la dengue, la polio, le chikungunya et de nombreux autres virus. Oui, nous aurions du voir venir le nombre eleve de cas de COVID longue.

Une citation deLa Dre Akiko Iwasaki, professeure d immunobiologie a la faculte de medecine de l Universite Yale
 

Aujourd hui, de plus en plus d etudes font un lien entre une infection par le SRAS CoV 2 et un risque accru de maladies cardiaques, de maladies auto immunes, de polyarthrite rhumatoide, de maladies intestinales , de la maladie d'Alzheimer, de demence et de la maladie de Parkinson.

 

Les dangers associes a la COVID 19 sont sous estimes

C est ce qu a affirme cette semaine le ministre allemand de la Sante, Karl Lauterbach, lors d une conference de presse sur la COVID longue. On ne devrait pas presumer que la COVID 19 est comme une grippe. L infection peut endommager le cerveau et le systeme cardiovasculaire. Et nous n avons pas de traitement efficace, a t il prevenu.

Selon la Dre Proal, il faut absolument que le public comprenne quels sont les risques a long terme associes aux infections.

Le virus  comporte un risque important de developper des maladies chroniques. Nous n avons pas suffisamment communique cette information aux gens. Trop de personnes croient que la seule issue de la COVID 19 est d etre gueri ou de mourir. Ils ne savent pas qu il y a une possibilite de sequelles chroniques graves, dit elle.

La Dre Proal ajoute que partout dans le monde, on constate une explosion de maladies associees a la COVID 19.

Je pense que les gens commencent a remarquer qu il y a beaucoup de personnes autour d eux qui ne vont pas tres bien. Et je pense que les gens savent au fond d eux que ces infections a repetition ne sont pas une bonne chose.

Une citation deLa Dre Amy Proal, PolyBio Research
La Dre Iwasaki s inquiete elle aussi du nombre croissant de personnes qui developpent des problemes de sante apres leur infection au coronavirus.

On a peut etre 10 pourcent des personnes qui developpent la COVID longue apres la phase aigue. Mais ca ne comprend pas celles qui developpent des problemes cardiaques, une maladie auto immune ou un dysfonctionnement cognitif. Si on additionne tout ca c est probablement plus de 10  pourcent des gens infectes qui ont des sequelles liees a la COVID 19.

Elle deplore le fait que la plupart des gens ignorent desormais les mesures de base pour prevenir les infections, y compris la vaccination.

Pour la Dre Proal, cette situation d infections a repetition par le virus de la COVID 19 ne peut pas durer.

Il y a encore un nombre ridicule de gens qui tombent malades. Ces millions de personnes malades qui developpent ensuite la COVID longue s ajoutent a toutes les personnes atteintes de la maladie de Lyme, du syndrome de fatigue chronique et de toutes les maladies post infection...

Le Dr Vinh ajoute que la multiplication des cas de COVID longue presente un fardeau considerable pour la societe.

Avec chaque nouvelle eclosion ou vague, il y a une accumulation de nouveaux patients. Et ca entraine plein de problemes au dela de la souffrance des patients : leurs familles souffrent  et les systemes de sante souffrent parce que ces gens cherchent a obtenir de l aide et des soins.

Il craint par ailleurs que le nombre de cas n augmente plus rapidement que les avancees scientifiques sur ces syndromes.

 

Quels liens entre tous ces syndromes post infection
Historiquement, les syndromes post infection ont ete peu etudies, rappellent ces trois experts.

Il a toujours ete difficile de prouver que ces virus, ces bacteries et ces parasites sont la cause de ces syndromes post infection. Parfois, les personnes n ont jamais su qu elles avaient ete infectees elles etaient asymptomatiques. Et dans bien des cas, les symptomes de la maladie n apparaissent qu environ 10 ans apres l infection.

Cependant, le nombre considerable de cas de COVID longue donne un nouveau souffle a la recherche sur les syndromes post infection.

La question qui hante les chercheurs en ce moment est celle ci : pourquoi des virus qui semblent inoffensifs entrainent ils parfois des symptomes invalidants et chroniques

Les chercheurs croient qu il y a des paralleles a faire entre ces divers syndromes puisque leurs symptomes se chevauchent ,fatigue, troubles neurologiques, douleurs musculaires et articulaires, troubles du sommeil et de concentration.

On soupconne que meme s il ne s agit pas des memes pathogenes, ils ont peut etre le meme mecanisme, et c est ce qui expliquerait pourquoi les symptomes sont semblables.

Une citation deLa Dre Amy Proal, PolyBio Research
Certaines etudes, notamment celles sur le syndrome post-Ebola, ont permis aux chercheurs de mieux comprendre les mecanismes sous jacents.

Certains survivants de l Ebola ne guerissent pas. La raison demeurait un mystere.  Puis, les chercheurs ont examine des tissus oculaires et des echantillons de sperme et de lait maternel. Il y ont trouve de l ARN du virus Ebola, et ce, parfois des annees apres l infection, explique la Dre Proal.

 

Selon la Dre Iwasaki, de plus en plus de chercheurs, y compris ceux de sa clinique, le Yale Center for Infection and Immunity, essaient d etablir des points communs entre ces syndromes. Nous essayons d avoir une approche integree en etudiant en meme temps plusieurs syndromes post infection aigue.

Quatre hypotheses pour expliquer les mecanismes biologiques sous jacents des syndromes post infection
Persistance virale  des fragments du virus se cacheraient dans plusieurs organes, par exemple dans l intestin, les poumons et le cerveau, longtemps apres l infection, provoquant ainsi une inflammation chronique.

Auto immunite  un virus pousserait le corps a declencher une reponse immunitaire, conduisant ainsi a une inflammation chronique.

Virus latents ou en dormance , une nouvelle infection pourrait reactiver des virus comme ceux de l herpes, de l Epstein Barr et de la varicelle.

Dommage aux tissus , l inflammation provoquee lors de l infection endommage des tissus, notamment ceux du cœur et du cerveau.

Chez une meme personne, un ou plusieurs des mecanismes biologiques soupconnes pourraient etre en cause.

Encore des annees de recherche a venir
Sans une meilleure comprehension des mecanismes biologiques sous-jacents, il sera difficile de diagnostiquer et de traiter les personnes atteintes, admet la Dre Iwasaki.

D ailleurs, un des problemes majeurs pour tous ces syndromes est le fait que les tests cliniques actuellement disponibles ne reussissent pas a offrir un diagnostic. Dans bien des cas, les resultats ne sont pas concluants, au grand desarroi des patients.

Malgre de nombreuses questions qui restent en suspens, la Dre Proal ne perd pas espoir. Il y a enormement de gens qui travaillent sur ce probleme. On commence a découvrir des biomarqueurs et differentes anomalies. Il y a des pistes.

En attendant, la Dre Proal croit qu il faut eduquer le public sur les facons d eviter les infections et, de surcroit, d eviter les sequelles chroniques. Nous devons trouver de nouveaux moyens pour eliminer le virus de l air afin d empecher les gens de tomber malades.

Dans le cas de la COVID 19, cette chercheuse estime qu il faut notamment ameliorer la qualite de l air des batiments.

Le Dr Vinh rappelle qu au cours des dernieres decennies, le monde a fait d enormes gains en matiere de sante, et ce, en raison de l acces a l eau potable et a la vaccination, deux mesures eprouvees pour la prevention des infections. Il espere que le monde comprendra un jour que les infections, peu importe laquelle, doivent etre prises au serieux.