Jeudi 26 décembre 2024

Le volume de soins n’augmente pas avec la remuneration


L economiste et professeur a HEC Montreal Pierre Carl Michaud vient de publier un rapport sur   l evolution recente de l offre de services medicaux et de la remuneration des medecins au Quebec. Cela survient dans le contexte ou le gouvernement Legault veut lier une partie de la remuneration des medecins (omnipraticiens et specialistes) a des indicateurs de performance collective, ce qui ne passe pas dans le milieu medical.

Le mandat de recherche a d ailleurs ete accompli a la demande du ministere de la Sante et des Services sociaux. Son constat est limpide :  de nombreux medecins consacrent une part relativement faible de leur temps a la prestation directe de services medicaux. Selon ses recherches, environ le tiers des medecins  facturent  des actes medicaux en moyenne trois jours ou moins par semaine.

Pourtant, selon les donnees du recensement, en 2021, les medecins rapportaient avoir travaille en moyenne 46 semaines par annee. Pour cette meme annee, les donnees de la RAMQ offrent un tout autre portrait. Les medecins de famille n atteignaient le  seuil minimal de facturation  qu au cours de 37 semaines, contre 32 chez les specialistes.

Des  zones d ombre

Cela veut dire qu en proportion, environ une semaine travaillee sur quatre ne serait pas consacree a des services medicaux remuneres a l acte.  Les medecins supportent donc vraisemblablement des charges d activites non cliniques importantes , note  l auteur. Mais difficile d expliquer l ecart avec certitude.  C est la zone d ombre du debat, relate M. Michaud.

 Tout notre systeme de surveillance des medecins est axe sur la facturation. On ne s est jamais adapte, deplore t il. La facturation actuelle ne tient pas compte des occupations non medicales, comme les taches administratives ou les charges d enseignement. Comment savoir ce que fait un medecin lorsqu il ne facture  pas des soins Impossible. C est la cle de voute, dit il pour rapprocher le gouvernement et les federations medicales dans leurs negociations.

Par ailleurs, la RAMQ comptabilise les  jours travailles  en fonction de l atteinte de seuils de facturation (un montant x). S il n est pas atteint, on ne considere donc pas la journee comme travaillee.

Reduction de l offre
Malgre ces zones d ombre, l etude de la Chaire de recherche Jacques Parizeau en politiques economiques de HEC Montreal fait un constat etonnant : les hausses de remuneration des medecins se sont traduites par une baisse du volume des soins dispenses (les actes).  Autrement dit, lorsque les tarifs des actes medicaux augmentent de facon generale, l offre de services tend a diminuer.  Cela contribue  possiblement a une pratique medicale a temps partiel  pour bien des medecins.

 Est ce que ca veut dire qu un medecin, pour toutes sortes de bonnes raisons, etant donne qu il est remunere davantage en services, choisit d enseigner , suppose M. Michaud. L offre de services medicaux a diminue chez les omnipraticiens alors qu elle est restee relativement stable chez les specialistes.

La remuneration a l acte pourrait d ailleurs augmenter la pression sur les besoins en formation de nouveaux medecins. L etude conclut qu une hausse de la remuneration des medecins  ne saurait etre justifiee par le besoin d accroître l acces.

Ecart d intensite de pratique 
Selon l etude, il existe bel et bien une capacite  importante qui n est pas utilisee par les medecins pour donner des soins directs aux patients. Cette capacite est plus elevee chez les medecins de famille. En termes d effectifs medicaux, le Quebec se retrouve legerement au dessus de la moyenne canadienne avec 263 medecins pour 100 000 habitants.

La province compte par exemple davantage de medecins que l Ontario. Pourtant,  les differences d intensite de pratique semblent importantes. En effet, en calculant les medecins qui effectuent une tache equivalent temps complet  (ETC), le Quebec se retrouve en queue de peloton avec 170 medecins ETC pour 100 000 habitants, comparativement a 207 en Ontario.

Des ajouts aux effets nuls
Encore plus surprenant, l etude demontre que cette  reduction de l intensite de pratique a  presque entierement annule  les effets de la hausse des effectifs en medecine. Au Quebec, il y a eu depuis 2014 une croissance du nombre de medecins de 15 pourcent chez les specialistes et de 19 pourcent chez les omnipraticiens, ce qui est dans la moyenne canadienne.

Pourtant, on note une quasi stagnation du nombre de medecins en equivalent temps complet. Le chercheur a approfondi la question en se penchant sur le genre et l age. Il y a un nombre croissant de femmes medecins qui ont un attachement moins marque a la pratique clinique, note t on.

 C est un contributeur, mais ce n est pas un contributeur qui est tres important, nuance M. Michaud. Et meme chez les hommes, c est en baisse.  Le vieillissement des medecins a aussi peu d effets puisqu il y a eu un rajeunissement important  de la profession.

 Probleme de societe 
 L idee n est pas de dire qui a tort, qui a raison, nuance le chercheur,  mais il faut mieux comprendre  pourquoi la prestation de services est faible. C est notre probleme de societe, plaide M. Michaud.  l etude recommande de  developper des outils  sans rajouter de la paperasse aux medecins  pour rendre la remuneration plus transparente. Il plaide aussi pour un menage dans les actes medicaux.

 L objectif n est pas uniquement de mesurer la performance, mais aussi de favoriser une comprehension commune de la pratique medicale et de son evolution au benefice d une population dont les besoins ne cesseront de croitre dans les annees a venir, conclut il.