Il faut rapidement faire quelque chose

 Quand ca infecte une personne, on est devant tres peu de choix pour la traiter. C est assez preoccupant, lache la Dre Judith Fafard, directrice du Laboratoire de sante publique du Quebec.

Dissimulee dans les eviers, le materiel de soins et les comptoirs des hopitaux, la bacterie surnommee BGNPC (bacilles Gram negatif producteurs de carbapenemases) est particulierement insidieuse. Elle peut s installer discretement dans le tube digestif des patients, souvent sans provoquer le moindre symptome. A ce stade, on dit du patient qu il est colonise par la bacterie.

Mais une plaie liee a un catheter, une intervention chirurgicale ou un systeme immunitaire affaibli peuvent transformer une colonisation silencieuse en infection severe. La bacterie est alors susceptible d envahir les tissus et de declencher des infections variees, comme des pneumonies, des abces ou des infections urinaires.

 

Des lors, le temps presse : si la bacterie cause un choc septique – une reaction anormale a une infection qui peut entrainer la defaillance de certains organes –, le traitement doit etre administre en moins de deux heures pour maximiser les chances de survie du patient, dit le Dr Yves Longtin, microbiologiste infectiologue a l Hopital general juif.

Il s agit de tout un defi, puisque la bacterie est tres resistante aux antibiotiques et les traitements qui pourraient en venir a bout sont difficilement accessibles au Canada .  C est un enjeu, admet la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la sante publique du Canada, en entrevue avec La Presse.

La resistance aux antibiotiques se developpe lorsque les bacteries s adaptent a l utilisation des medicaments. Il s agit d un processus naturel, mais qui s intensifie en raison de l activite humaine, notamment a cause de la surconsommation d antibiotiques.

La resistance aux antimicrobiens ne semble peut etre pas aussi urgente qu une pandemie, mais elle est tout aussi dangereuse, avait declare le chef de l Organisation mondiale de la sante (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, en 2020.

Une propagation qui prend de l ampleur
Chaque annee, la propagation de la bacterie BGNPC prend de l ampleur dans la province, touchant surtout les hopitaux. Pres de deux hopitaux sur trois au Quebec ont signale au moins un patient porteur de cette bacterie dans la derniere annee.

 Il faut rapidement faire quelque chose, estime le Dr Yves Longtin, de l Hopital general juif.

Durant l annee 2023 2024, 1259 Quebecois ont ete trouves porteurs de la bacterie et 99 ont ete infectes. Les patients infectes etaient ages de 4 jours a 104 ans. Plus d un sur dix a perdu la vie.

Les personnes infectees par la bacterie sont generalement des patients hospitalises, dont le systeme immunitaire est affaibli, ayant ete traitees a plusieurs reprises par des antibiotiques ou ayant subi une intervention chirurgicale majeure.

Parmi les personnes porteuses de la bacterie, 95 pourcent ne contracteront jamais d infection et ne s en rendront meme pas compte. Leur corps va s en debarrasser naturellement, dit le Dr Longtin.

 

Les urgences du CHUM. Le Centre hospitalier de  l Université de Montreal est l etablissement le plus touche par la bacterie surnommee BGNPC.

Le Centre hospitalier de l Universite de Montreal (CHUM) a recense le plus grand nombre de cas de la bacterie, avec 18 infections et 156 patients porteurs.

Le CHUM dit prendre au serieux la situation pour assurer des soins et des services securitaires et de qualite  aux patients. L etablissement applique diverses mesures de prevention, comme le depistage rapide des patients, la gestion des antibiotiques, le nettoyage des espaces et du materiel medical, ainsi que les tests des drains et lavabos.

Quatre etablissements ont enregistre trois cas d infections, soit l hopital Maisonneuve Rosemont, l Hopital de Chicoutimi, l Hotel Dieu de Quebec et l Hopital de Verdun.

Des pays du monde entier s inquietent de la progression des BGNPC.

Des 2009, l OMS a decrit ces bacteries comme une menace serieuse a la sante publique.

Des cas ont deja ete signales dans tous les Etats americains. En 2017, ces bacteries ont meme ete a l origine d environ 13 000 infections chez des patients hospitalises et d environ 1100 deces chez nos voisins du Sud.

La bacterie se propage notamment par l entremise de la robinetterie.

Des bacteries dans les eviers
La bacterie peut se transmettre notamment par les soignants et le materiel partage. La principale voie de transmission entre patients reste le contact via les mains des travailleurs de la sante, a declare Rebecca Guenard Chouinard, conseillere cadre aux relations medias du CHUM.

Les canalisations et la plomberie des etablissements de sante semblent toutefois avoir un role non negligeable.

Les eviers et les tuyaux sont probablement une source importante de colonisation.

Le Dr Christian Lavallee, microbiologiste infectiologue a l hopital Maisonneuve Rosemont

La bacterie se retrouve dans les drains, quand on deverse des fluides biologiques de patients colonises. Lorsque les professionnels de la sante deversent ensuite dans les eviers des nutriments, comme des solutes ou du gavage, ils favorisent leur colonisation.

Une fois que c est dans les drains, les bacteries se promenent dans les chambres autour, a explique la microbiologiste infectiologue retraitee Marie Gourdeau, lors d une journee annuelle de la sante publique consacree aux BGNPC au debut du mois de decembre.

Les patients peuvent alors etre contamines par des gouttelettes, la robinetterie ou le materiel de soins.  Les drains n expliquent pas tous les cas, mais ca a une contribution significative, souligne Marie Gourdeau.

Afin de reduire la transmission de ces bacteries, le personnel doit etre forme a jeter les liquides corporels, les restes de tubes d alimentation et les liquides intraveineux dans les toilettes ou dans un dispositif approuve et non dans l evier de la chambre des patients.

Comment limiter la resistance des bacteries aux antibiotiques

N utilisez des antibiotiques que sur prescription d un professionnel de la sante et en suivant la duree recommandee.
Ne demandez jamais d antibiotiques si le professionnel de la sante dit que vous n en avez pas besoin.
Ne partagez ou n utilisez jamais d antibiotiques restants.
Allez chercher les vaccins recommandes par la Sante publique.
Tentez de limiter les infections, en ayant une bonne hygiene de vie, comme en vous lavant les mains.