Et le patient dans tout ca
Mais ces jours ci, le ministre de la Sante fait penser a quelqu un qui a voulu accrocher un cadre sans sortir son ruban a mesurer⦠et qui fait beaucoup de trous dans le mur avant de reussir a placer le tableau au bon endroit.
Heureusement, le ministre est a l ecoute. Il a apporte des dizaines d amendements a son copieux projet de loi 15 â une brique de 1180 articles â en s ajustant aux commentaires des medecins, des pharmaciens, des etudiants ou encore des universites.
Jusqu a cette semaine, il a gere la resistance au changement dans le calme. Il a mis de l eau dans son vin, sans edulcorer sa reforme.
Mais la grogne a monte d un cran avec la sortie commune des six anciens premiers ministres du Quebec pour denoncer l impact de la reforme sur les etablissements phares comme l Institut de cardiologie de Montreal ou l hopital Sainte Justine.
Certains pourraient etre tentes de dire aux membres de ce club des ex de se meler de leurs affaires, eux qui n ont pas reussi a soigner les maux du reseau de la sante lorsqu ils etaient au pouvoir.
Mais avec cette rarissime intervention transpartisane, les ex ont mis le doigt sur un important angle mort de la reforme.
En effet, l integration des grands etablissements au sein de la nouvelle agence Sante Quebec nuirait a leur capacite a recolter des dons et a poursuivre leurs activites de recherche, pourtant essentielles au developpement de meilleurs soins pour l ensemble de la population.
M. Dube a donc accepte que leur conseil d administration garde les coudees franches dans ces domaines⦠mais pas pour la gestion des soins a la population, qui sera coordonnee par Sante Quebec. Or, dans la pratique, il n est pas si simple de dissocier la recherche des soins. D ou la grogne persistante.
Devant ce bras de fer plutot technique, les patients sont en droit de se demander ce que cette enieme reforme va changer pour eux.
En tant que citoyen, il est desesperant de payer la facture d impots la plus elevee en Amerique du Nord et d etre oblige de payer a nouveau pour consulter un medecin ou subir une operation au prive parce qu on n en peut plus de languir sur une liste d attente.
Quand on est malade, on veut de l accessibilite. Pas un rebrassage dans la bureaucratie.
N empeche, la creation de Sante Quebec est une bonne chose. En confiant la gestion quotidienne du reseau a cette nouvelle agence, on depolitisera la sante. Et on permettra au ministre de se concentrer sur les grandes orientations, plutot que de gerer la moindre crise en direct de l Assemblée nationale.
Pour le patient, la nouvelle agence permettra notamment d uniformiser la liste d attente des chirurgies a l echelle provinciale. Les patients sauront ou ils se situent sur la liste et pourront etre operes dans une autre region ou il y a moins d attente, promet le ministre. Cela sera plus equitable que de laisser souffrir les patients en fonction de leur code postal, comme en ce moment.
La mise en place d un employeur unique est egalement prometteuse. En coupant dans le spaghetti de 134 conventions collectives, Quebec permettra a une infirmière d aller travailler dans une autre region sans perdre son anciennete, ce qui mene actuellement a des situations aberrantes.
Combinee a des primes, cette plus grande agilite permettra d amener du renfort aux etablissements qui traversent une crise, comme on l a vu a l hopital Maisonneuve Rosemont. Sauf qu il ne faudra pas oublier les lecons de la pandemie ou les deplacements forces ont pousse des employes a demissionner. Du roulement, c est bien. Trop de roulement, non.  Christian Dube veut aussi reembaucher des centaines de gestionnaires de proximite dont le poste avait ete supprime avec la reforme Barrette, laissant les equipes sans points de repere. Les CHSLD etetes ont paye le prix de cette centralisation durant la pandemie.
Ramener des gestionnaires sur le terrain est donc une excellente nouvelle. Mais encore faut il que Sante Quebec leur laisse une marge de manÅuvre.
Quand il a presente son plan preliminaire en 2022, le ministre plaidait pour une vaste decentralisation du reseau ou les etablissements beneficieraient d un large degre d autonomie avec des gestionnaires capables de prendre davantage d initiatives et de trouver des solutions adaptees a leur realite .
Mais on ne retrouve pas cet esprit dans le projet de loi 15, qui semble plutot ecrit par des fonctionnaires amateurs de microgestion que par des gens de terrain qui ont le pouls des patients.
Que Quebec veuille ameliorer la coordination du reseau avec Sante Quebec est louable. Mais il faut eviter que les directives venant d en haut freinent l initiative locale, limitent les innovations repondant aux besoins du milieu et poussent les employes desenchantes a quitter le navire.
Ce n est pas avec davantage de centralisation qu on guerira le reseau de la sante.