Mercredi 24 septembre 2025

Baisse de 5,9 millions d heures travaillees dans le reseau quebecois de la sante


Le nombre d'heures travaillees dans le reseau de la sante a diminue de 5,9 millions au cours des cinq derniers mois, selon les chiffres de Sante Quebec.

Ces donnees, obtenues en exclusivite par La Presse canadienne, montrent que la grande majorite de la baisse de ces heures concerne la main-d'œuvre independante (MOI), pour 3,7 millions d'heures. On observe aussi une diminution de 790 000 heures de temps supplementaire obligatoire et le nombre d’heures regulieres a pour sa part chute de 1,3 million d’heures.

Cela represente des centaines de millions de dollars d'economies (293 millions pour les mois d'avril, mai, juin et juillet), dont la plus grande part du gateau est attribuable au fait que le reseau est en train de se departir graduellement des agences privees en sante.

 

La main-d'œuvre independante coute le double au reseau comparativement au personnel a temps regulier, rappelle en entrevue Sonia Dugas, vice-presidente aux finances pour Sante Quebec.

 

Depuis les cinq dernieres annees, Quebec a injecte 75 millions d'heures, ce qui represente 48 000 personnes de plus depuis 2019. On ne pouvait pas continuer comme ca, soutient Mme Dugas.

Les heures travaillees sont un poste de depenses important, et cela fait partie de la strategie de Sante Quebec de les maximiser pour respecter le budget qui lui a ete octroye par le gouvernement. Mais on ne fait pas ca au detriment d'analyser notre performance. Si chaque intervenant peut voir un usager de plus et qu'au final j'ai besoin d'un intervenant de moins dans l'equipe, et bien oui, c'est une strategie d'abolir le poste a ce moment-la, explique Mme Dugas.

Amelioration de l'acces
En mesurant plusieurs indicateurs de performance, Sante Quebec se rejouit de reussir a bonifier l'acces aux services de sante tout en reduisant le nombre d'heures travaillees dans le reseau et, ultimement, les depenses.

La societe d'État indique qu'en 2024-2025, plus de 450 000 chirurgies ont ete realisees, soit le plus haut niveau atteint depuis 2018-2019 (avant la pandemie qui a engendre un retard a rattraper). De plus, 215 000 rendez-vous supplementaires ont ete obtenus avec une infirmiere praticienne specialisee (IPS) en 2024-2025 comparativement a l’annee d'avant.

Les rendez-vous avec une infirmière praticienne specialisee ont augmente de 215 000 en 2024-2025. 

Sonia Dugas detaille comment Sante Quebec est arrive a ces resultats tout en diminuant le nombre d'heures travaillees dans le reseau de la sante.

 

D'abord, cette annee, le budget a ete distribue en debut d'annee. Donc, tous les PDG savaient des le début quel était leur budget pour l'annee complete. Ca peut sembler banal, mais avant, il y avait 20 pourcent de l'enveloppe  qui etait communiques aux etablissements sous forme de lettres.  Ca representait des centaines de lettres de confirmation de financement. Il y avait des gens qui traitaient ca. Et juste ca, c'est des economies d'efficacite, ajoute-t-elle.

Auparavant, les etablissements commencaient leur annee financiere sans trop savoir quel montant leur serait octroye. C'est seulement en cours d'annee que le montant se confirmait. Mais ca fait qu'on gere un peu plus a l'aveugle, alors que maintenant, il y a une imputabilite parce que les cibles sont claires des le debut de l’annee, precise Mme Dugas.

Une autre action de Sante Quebec a ete d'etablir 10 centres d'activites a grand potentiel d'economie. La societe d'Etat a decortique les 162 centres d'activites, qui sont par exemple l'administration generale avec la paperasse, la pharmacie, le bloc operatoire, etc.

Sante Quebec a ensuite compare les etablissements entre eux pour voir pourquoi certains avaient un cout moindre que d’autres pour les memes champs d'activites. Ils ont revu l’organisation du travail, par exemple en maximisant l'utilisation du bloc operatoire.

Entre deux chirurgies, il y a un temps qu'on appelle l'inter-cas. Donc, c'est le fait de nettoyer la salle, de la repreparer pour un nouvel usager. Si j'ai reduit ce temps d'inter-cas, puis qu'au final je n'ai pas besoin d'aller en temps supplementaire le soir parce que je suis plus efficace dans la journee, cette heure-la, elle est completement eliminee et tout le monde y gagne, indique Mme Dugas.

TSO : transferer le probleme
Les infirmieres sont celles qui sont les plus touchees par les heures supplementaires obligatoires (TSO). D'un cote, la Federation interprofessionnelle de la sante du Quebec (FIQ) voit positivement la diminution de cette categorie d'heures, mais elle pointe un autre probleme que cela engendre.

C'est positif parce qu'au moins, on sait qu'on va terminer a 16 h ou a minuit ou a 8 h le matin. Mais on a simplement transfere le probleme. Dans certains etablissements, au lieu d'imposer du temps supplementaire obligatoire, ce qui se passe, c'est qu'on procede a du non-remplacement, mentionne Julie Bouchard, presidente de la FIQ.

La fin du temps supplementaire obligatoire (TSO) n'a pas que des effets benefiques pour le personnel qui peut heriter malgre tout d'une surcharge de travail, souligne la FIQ. 

 

Elle donne un exemple. Si l'on prend un departement de chirurgie avec 40 patients, normalement il y a quatre infirmieres qui doivent etre la de soir pour un ratio de 10 patients par infirmiere. Mais parfois, au lieu d'imposer du TSO, on va faire travailler seulement trois infirmieres. Alors la, au lieu d'avoir 10 patients, ben on est rendu a peu pres a 13 patients chaque, souligne Mme Bouchard.

Cela va faire en sorte que la premiere evaluation avec les patients va prendre plus de temps. Et on se croise les doigts pour ne pas avoir de patients qui ont des complications ou une urgence qui arrive sur le departement, parce que la, on tombe encore plus en surcharge de travail. Ca fait en sorte egalement que les professionnelles en soins sur le departement ne prennent pas leur temps de pause, ne prennent pas leur temps de repas non plus parce qu'elles n'ont pas le temps de pouvoir faire tout ce qu'il y a a faire en ajoutant des patients comme ca parce qu'on procede au non-remplacement, decrit Mme Bouchard.

Concernant les heures de travail regulieres, la FIQ attribue cela en partie a des fermetures de services. Elle cite la reduction du nombre d'heures en maternite au Bas-Saint-Laurent. Des femmes doivent alors parcourir beaucoup plus de kilometres pour pouvoir aller donner naissance.

On peut facilement voir que lorsqu'on fait des diminutions de lits ou encore lorsqu'on procede a une fermeture partielle ou totale d'un centre d'activites, ca fait baisser le nombre d'heures travaillees, dit Mme Bouchard.

L'Alliance du personnel professionnel et technique de la sante et des services sociaux (APTS) s'inquiete aussi de la baisse du nombre d'heures regulieres.

Ca nous inquiete beaucoup parce que les besoins augmentent toujours. Ca veut dire aussi que ca augmente les temps d'attente, et qui dit liste d'attente dit des cas qui ne sont peut-etre pas traites ou des cas qui s'aggravent sur ces listes, mentionne Robert Comeau, president de l'APTS.

Pour ce qui est d'investir l'argent au bon endroit, M. Comeau dit surveiller de pres le deploiement du Dossier sante numérique (DSN).

Il y a enormement d'argent qui s'en va dans ca, et on voit le depassement de couts qui s'en vient. On voit aussi une precipitation a vouloir deployer le service, alors que ce n'est pas tout a fait pret encore. Nos gens sont hyper inquiets de ca, rapporte M. Comeau. On ne veut pas vivre un cauchemar de perte de donnees… Ce n'est pas des permis de conduire qu'on va gerer, nous, c'est vraiment la sante des gens. Quand on a besoin de renseignements rapidement, on ne peut pas se permettre d'avoir une panne informatique.

Â