Lundi 8 janvier 2024

Micheline devrait etre vivante aujourd hui


 Il y a eu une reelle absence de prise en charge, deplore son frere Pierre Bouchard. Elle a ete victime des delais, et du manque de vigilance sur ses symptomes, ajoute Guylaine Bouchard, qui dit  ne pas avoir encore surmonte le choc de la perte de sa sœur.

Le cas de Mme Bouchard fait surface alors que les urgences sont sous forte pression depuis des mois au Quebec. Il y a deux semaines, le CISSS de la Monteregie Ouest a confirme que deux enquetes sont en cours apres la mort de deux patients dans les urgences bondees de l hopital Anna Laberge.

La semaine derniere, le Regroupement des chefs  d urgence du Quebec a ecrit au ministre de la Sante, Christian Dube, decrivant une situation hors de controle.

 
 

Enfin, mardi, le ministre Dube a reconnu que la situation etait  extremement difficile  dans les urgences et a demande a la population de collaborer en evitant si possible de s y rendre.

Pour Micheline Bouchard, les urgences etaient la seule option, estime son frere Yves.

Longue attente

Celibataire et sans enfant, Micheline Bouchard croquait dans la vie. Dans les derniers mois, elle avait effectue un voyage en Egypte. Elle donnait des ateliers a des aines par le reseau FADOQ sur l utilisation de la tablette electronique. C etait une eternelle optimiste, dit Guylaine Bouchard.

Fin juillet dernier, Micheline Bouchard subit une legere fracture a un pied en marchant sur un trottoir. Apres avoir consulte au Centre hospitalier affilie universitaire regional de Trois Rivieres (CHAUR), elle se fait installer une  botte Samson pour tenir son pied en place.

Mais voila, apres l incident, elle eprouve de violentes crampes au mollet. Ces douleurs s estompent, mais elles font place le meme jour a un essoufflement important. Vers 17 h, Micheline Bouchard a tant de mal a respirer qu elle en perd la voix. Son frere Yves l amene aux urgences du CHAUR a 19 h, dit il.

Au triage, on attribue a Micheline Bouchard une cote de priorite 3, affirment ses proches. Selon l Echelle canadienne de triage et de gravite pour les departements d urgence, un patient de priorite 3 doit obtenir des soins medicaux en 30 minutes.

Micheline Bouchard est installee dans un fauteuil roulant et dirigee vers la salle d attente. Elle y passe la nuit sans consulter de medecin. Dans des messages textes envoyes a sa fratrie, Micheline Bouchard ecrit qu une infirmiere lui dit vers 2 h 30 du matin qu aucun medecin n est disponible pour voir des patients de la salle d attente avant 8 h le lendemain matin. C est vers cette heure qu elle voit un medecin, qui soupconne une possible phlebite ou une embolie pulmonaire, peut on lire dans les textos envoyes par Micheline Bouchard.

On annonce a la patiente qu elle devra subir un examen, une scintigraphie, pour confirmer le diagnostic. On la place sous moniteur cardiaque en attendant.

 On aurait du aller plus vite

Vers 14 h, Guylaine Bouchard arrive a l hopital. Sa sœur n a toujours pas passe son examen, prevu pour 11 h 45. L examen ne sera fait qu a 16 h. Pourquoi on ne l a pas mise en priorite pour le test On aurait du aller plus vite, estime Guylaine Bouchard.

De retour aux urgences, un medecin explique a Micheline Bouchard qu elle a fait une embolie pulmonaire. Que ses resultats ne sont  pas beaux.  Il lui a dit  c est tres grave. Vous avez plein de caillots aux poumons , relate Guylaine Bouchard.

Rapidement, on dirige sa sœur vers une autre unite pour subir des traitements. Mais ceux ci ne debuteront jamais. En se levant pour aller aux toilettes, Micheline Bouchard est prise de vertiges. Sous les yeux de sa sœur, elle s effondre par terre. La patiente est amenee en salle de reanimation.

Une trentaine de minutes plus tard, un medecin annonce a Guylaine Bouchard que sa sœur ne va vraiment pas bien.  Je lui ai dit etes vous en train de me dire que ma sœur va mourir  Il a dit oui , dit elle. Apres plusieurs arrets cardiaques et reanimations, Micheline Bouchard est envoyee, inconsciente, aux soins intensifs. Elle ne reprendra jamais connaissance et y decedera, le 28 août.

On se pose beaucoup de questions a savoir si tout a ete fait entre le moment ou elle a ete vue au triage et le moment ou elle a ete transferee aux soins intensifs, souligne Guylaine Bouchard. Elle n a pas eu de medication pendant 22 heures.

Pourquoi personne n a allume avant sur le possible enchainement phlebite embolie  Elle etait aux urgences  Ca n aurait pas du se passer comme ça. Ma sœur devrait etre vivante aujourd hui.

 Guylaine Bouchard, sœur de Micheline

Elle n a jamais eu la chance de debuter le traitement. Elle s est effondree avant. Il y a eu un dysfonctionnement clinique, estime son frere Yves.

La famille a depose une plainte au Commissaire local aux plaintes.

Pas d enquete du coroner

Au CISSS de la Mauricie Centre du Quebec, on dit ne pas pouvoir repondre aux questions specifiques sur la situation de Micheline Bouchard, malgre l accord de la famille, pour des raisons de confidentialite.

On assure toutefois qu un medecin  est present en tout temps la nuit a l urgence du CHAUR et qu apres le triage initial des patients,  le personnel de l urgence evalue la situation de la salle d attente afin d agir rapidement si l etat d une personne se deteriore. Quand un medecin evalue un patient,  il demande des examens complementaires lorsque necessaire en indiquant le niveau d urgence selon le portrait clinique du patient , affirme le CIUSSS.

L etablissement souligne que le 16 aout, le taux d occupation aux urgences du CHAUR etait de 100 pourcent  avec un achalandage important dans la salle d attente qui a diminue graduellement au cours de la nuit.

Comme a la suite de tout deces survenant aux urgences, une evaluation interne a ete menee. Aucune enquete du coroner n a ete demandee, car la cause du deces etait connue et  aucun critere n etait present pour demander l enquete du coroner.

Une enquete du coroner peut notamment etre declenchee  lorsqu un deces est survenu dans des circonstances violentes, obscures ou qui apparait etre survenu par suite de negligence, peut on lire sur le site du Bureau du coroner. Et le cas de sa sœur s apparente a de la negligence, estime Yves Bouchard.

 

 

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